Tout était prévu depuis plusieurs semaines. Je devais prendre mon train à 7h25, à Saint-Lazare. Choisir cet horaire était une erreur. Je n’avais pas anticipé à quel point je serais fatiguée ce jour-là. Mes premières petites vacances depuis des mois ont commencé ainsi, par un faux-réveil. J’ai loupé mon train, et immédiatement, j’ai allumé mon ordinateur pour rechercher un nouveau billet.
Avant même la sortie du livre de Vanessa Springora, j’en avais entendu parler par le biais de la presse, comme tout le monde. Sans spoiler alert, le contenu du livre était déjà au coeur de dizaines d’articles avant même sa sortie. Imprimé à 20000 exemplaires, le roman a été en rupture de stock en seulement quelques jours. Bref, un livre au contenu terrible, « glauque » même. Pourquoi lire ça ? Pour savoir. Pour lire les mots de Vanessa Springora. Les siens, sa version de l’histoire, pas ce que tout le monde en a dit ensuite.
Plage de galets, ville industrielle, à deux heures de Paris en train. J’ai regardé les billets : 21 euros aller-retour, avec la carte jeune. Pourquoi n’ai-je pas regardé les possibilités d’y aller avant ? Erreur rectifiée ! Aller 8h40, retour à 19h02, le 4 janvier. En sortant de la gare, j’ai marché dans la ville. Je voulais rejoindre la mer au plus vite, j’étais venue pour ça, surtout.
Tout a commencé lorsque j’ai vu passer l’appel à collaboration de Clem et Jess, du collectif Junon, pour la préparation du deuxième numéro de leur revue, Hystérique. Elles recherchaient des personnes pour réaliser des illustrations et rédiger des articles. Curieuse, je leur ai écrit, et c’est ainsi que j’ai eu la chance de participer à ce beau projet. Le thème ? Sexe et nourriture, de quoi nous mettre l’eau à la bouche…
Qu’est-ce qui pousse un lecteur à vouloir rencontrer l’auteur.e d’un livre qu’il a aimé ?
Pourquoi cette curiosité de mettre un visage, une voix, un corps, un regard, sur des mots ?
Certains trouvent ces rencontres inutiles, ils ont le droit. C’est vrai que c’est étrange.
C’est le livre qui compte. Et qu’est-ce que je vais lui dire et qu’est-ce qu’il ou elle va penser et ça va durer quelques secondes seulement après parfois une heure de queue et comment me tenir, je ne sais pas. Alors pourquoi ?
Aujourd’hui, j’ai décidé de prendre un peu de temps pour moi et d’aller me promener un moment. J’ai marché dans le centre de Paris, le long des quais, je suis allée au Louvre, puis j’ai décidé de faire un crochet par les Tuileries avant de rejoindre l’Opéra Garnier. La lumière était belle : des rayons de soleil puissants malgré les épais nuages noirs et les quelques gouttes qui pleuvaient de temps en temps. Je me suis arrêtée un instant pour lire quelques pages d’un livre avant de repartir, car il faisait un peu froid, et je préférais rester en mouvement.
Bref, c’était cool, j’étais bien.
A un moment, je vois un bouc, dans une espèce de fossé, en plein milieu du Jardin des Tuileries. Un bouc enchaîné, en train de se faire piquer les flancs à coups de bec par un corbeau agressif. « Mais enfin pourquoi cette pauvre bête se trouve attachée ici, comme ça ? » J’essaye de m’approcher pour voir si au moins cet animal avait à boire, puis je cherche un écriteau, pour comprendre, une information quelque part.
Tout à coup, en pleine interrogation,je suis interrompue par un homme qui m’accoste.Je m’arrête, je dis bonjour. J’ai toujours ce réflexe poli de m’arrêter. Je suis bien élevée, et un peu trop naïve.